Depuis le début du mouvement des #giletsjaunes, je ne cesse d’essayer de vous expliquer que ce soulèvement populaire aura à minima la vertu de mettre en lumière l’impasse dans laquelle nous nous trouvons. La question de la réduction des taxes… et surtout son corollaire qu’est le financement par l’état de ce manque à gagner devrait finir de vous convaincre que nous ne sommes à la fin de quelque chose … et, soyons optimiste, au début d’autre chose.
Je vous engage à relire les quelques articles, et surtout les centaines de commentaires des lecteurs, que nous avons construits autour de ce mouvement passionnant :
- #giletsjaunes : Essayons de comprendre le phénomène. Un ras-le-bol fiscal qui marquera le quinquennat ? ;
- #giletsjaunes : La baisse des taxes n’est pas la solution à la désespérance exprimée
- Les #Giletsjaunes en marche vers une grande réforme sociétale et fiscale ? Vers un ordre économique nouveau ?
- Les #giletsjaunes seront ils à l’origine de l’éclatement de la zone Euro sur fond de hausse des taux d’intérêt ?
Notre réflexion fondamentale est la suivante, et n’a rien d’exceptionnelle pour celui qui assaie de comprendre ce qu’il se passe : Le mouvement des #giletsjaunes n’est pas un phénomène national, c’est un phénomène mondial qui s’inscrit naturellement dans le prolongement de l’élection de TRUMP aux Etats-Unis, du Brexit en GB ou de l’élection d’un populiste en Italie.
Les classes moyennes populaires crient leur désespoir face à une société tournée autour du profit de quelques uns. Les travailleurs veulent simplement pouvoir vivre dignement et souhaite un meilleur partage de la valeur générée. Il ne veulent pas plus de redistribution, ils veulent simplement être mieux payer et recevoir de la considération.
En France, l’expression de cette désespérance passe par moins de taxes. Ce sujet est passionnant !
- D’un côté, nous avons les giletsjaunes qui expriment leur désespoir et souhaitent pouvoir mieux vivre de leur travail. Il demandent moins de taxes, mais au fonds, ce qu’ils veulent c’est plus de revenus. Leur demande fondamentale est mal exprimée (ou du moins, on ne veut pas l’écouter… Les gouvernants entendent moins de taxe, ils répondent on va baisser les taxes … alors que s’ils écoutaient vraiment ils répondraient, on va augmenter vos revenus).
- D’un autre, nous avons des gouvernants qui profitent de cette demande mal exprimée pour affirmer avec force que la politique menée depuis 18 mois est justement construite autour de cet objectif de baisser les taxes.
Les deux parties ne se comprennent pas. Du moins, les #giletsjaunes ne comprennent pas pourquoi, le gouvernement s’évertue à baisser la dépense publique et les prestations sociales (retraites, APL)… avant de baisser les taxes et autres impôts.
En effet, nous arrivons à la situation incroyable dans laquelle : Les #giletsjaunes demandent moins de taxes … et les gouvernants répondent, nous aussi, c’est la raison pour laquelle nous allons baisser les dépenses publiques et notamment les prestations sociales !
La discussion n’est plus possible face à un tel mutisme du gouvernement. Ce mépris à prendre les revendications des giletsjaunes à la lettre va décupler la violence. Le peuple demande un changement de société, le gouvernement ne peut pas répondre, je vous entends, je vais donc accélérer le déploiement de la politique que vous contestez.
Il m’apparaît totalement irresponsable de la part du gouvernement de ne pas écouter les demandes. Il ne faut pas confondre « entendre » et « écouter ».
Pour le gouvernement, baisser les taxes devra avoir pour conséquence de baisser les dépenses publiques.
Tout le monde est d’accord pour baisser les dépenses publiques. C’est un point majeur autour duquel tout le monde se retrouve.
- Le peuple, naïvement, considère qu’il faut réduire le train de vie de l’état. Supprimer les privilèges et les dépenses somptuaires de cette minorité qui capte la valeur. Bref, réduire le nombre de transport en avion et privilégier le TGV ; Ne pas dépenser des sommes folles pour refaire une moquette ou changer de la vaisselle ; Ne pas accorder des retraites élevés aux parlementaires après seulement quelques années de service ; … Bref, réduire les dépenses inutiles et dégraisser le mammouth devenu obèse.
- Les élites, de manière cynique ou peut être pragmatique, considèrent elles que réduire les dépenses publiques, c’est supprimer des postes de fonctionnaires (et donc une qualité de service publique sauf à considérer que ces fonctionnaires ne font rien ? Quel cynisme) ou encore les retraites, les prestations chômages ou les aides aux logements.
Pour vous convaincre de ce fossé entre le peuple et les élites, voici la conclusion d’une étude de Patrick ARTUS et Natixis sous le titre « Si les Français veulent payer moins d’impôts, que faut-il faire ? »
« Les Français (les individus, les entreprises) protestent contre le niveau élevé de la pression fiscale en France, et il est vrai que la pression fiscale est forte en France par rapport aux autres pays européens, aussi bien sur les ménages (si on inclut la TVA) que sur les entreprises.
Mais le déficit public est déjà élevé en France, et la réduction de la pression fiscale nécessite donc une réduction des dépenses publiques.
Quelles sont alors les marges de manœuvre ? Quand on compare la taille des différentes dépenses publiques en France et dans les autres pays de la zone euro, on voit un niveau élevé des dépenses publiques en France en ce qui concerne toutes les dépenses publiques et en particulier les retraites, le logement, le soutien à l’économie.
On voit un déficit de 10% pour la productivité du travail dans le secteur public en France.
Conclusion :
Certes, la pression fiscale est forte en France aussi bien sur les ménages que sur les entreprises.
Mais on ne peut pas se contenter de réclamer une baisse de la pression fiscale, il faut choisir quelles dépenses publiques vont être réduites en contrepartie.
Si on prend une règle de décision simple qui est de rapprocher la France des autres pays de la zone euro, alors il faudrait en France :
– améliorer de 10% la productivité du travail dans les services publics (NDLR : c’est à dire baisser de 10% le nombre de fonctionnaire ?)
– réduire toutes les dépenses publiques et particulièrement les dépenses de retraite, de logement, de soutien à l’économie.
La contrepartie de la baisse des taxes pourrait donc être une baisse du nombre des fonctionnaires (10%, c’est énorme ! C’est -+ 500 000 personnes !) ou continuer de baisser les retraites, les aides au logement ou les dépenses de soutien à l’économie.
Je ne suis pas certain que les #giletsjaunes sont capables d’entendre ce discours !
Les deux parties ne peuvent donc pas se comprendre, ne peuvent pas s’écouter. Impossible en l’état actuel des choses.
Les élites ne peuvent sortir du carcan intellectuel, ne peuvent faire preuve d’imagination politique pour construire une société à la hauteur de l’exigence du peuple.
Nous sommes enfermés dans nos réflexes libéraux et budgétaires.
Nous sommes dans une impasse majeure dont nous ne connaissons pas encore les conséquences.